Régime fiscal des dividendes versés par une société irlandaise à une société établie dans un Etat membre de l’UE

Lorsqu’une société verse des dividendes à des associés basés à l’étranger, il est fréquent que la loi interne prévoit l’application d’une retenue à la source.

Dans le cadre de groupes, où la société mère est établie dans un État membre de l’Union européenne, et lorsque le taux de détention du capital excède 5%, la retenue à la source ne s’applique pas.

Ainsi, une société mère située en France, qui détient une filiale en Irlande à hauteur de 10%, ne se verra pas appliquer de retenue à la source sur les dividendes payées par la filiale irlandaise.

Cette exonération peut également s’appliquer pour les sociétés mères implantées en Suisse. En revanche, pour bénéficier de l’exonération, le taux de détention doit être de 25%, au lieu de 5%.

Réglementation des prix de transfert

L’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), définit les prix de transfert de la manière suivante : « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées ».

Afin d’assurer une juste et équitable répartition des recettes fiscales entre les différents Etats, le prix d’une transaction réalisée entre des sociétés appartenant à un même groupe doit être similaire à ceux pratiqués par l’entité dans ses relations avec les tiers. C’est le principe de pleine concurrencearm’s length principle – qui repose sur 3 critères :

  • les fonctions exercées ;
  • les actifs et moyens utilisés ;
  • le risques encourus.

Il existe 5 méthodes principales pour déterminer des prix de transfert qui répondent au principe de pleine concurrence :

  • Prix comparable sur le marché libre – Comparable Uncontrolled Price
  • Prix de revient majoré – Cost Plus
  • Prix de revente – Resale Price Method
  • Méthode transactionnelle de la marge nette – Transactional Net Margin Method
  • Méthode du partage des bénéfices – Profit split

Il est important de souligner que, selon le droit irlandais, les règles relatives aux prix de transfert ne concernent que les transactions de nature commerciales. Les opérations financières, telles que les prêts inter-sociétés, ne tombent pas dans le champs de cette réglementation (et ce contrairement au droit fiscal français qui englobe tout type de transactions).

Notion de résidence fiscale – aspects internationaux

Que l’on se place du point de vue d’un individu personne physique ou d’une structure sociétale, il existe des situations dans lesquelles un contribuable peut être considéré comme résident fiscal dans deux pays différents.

Les conventions fiscales internationales, destinées à lutter contre les phénomènes de double imposition, interviennent alors pour préciser les critères qu’il convient de retenir pour déterminer à quel État le contribuable doit être rattaché.

Personnes physiques

Selon le droit irlandais, la situation fiscale d’un individu s’apprécie en fonction du nombre de jours passés dans le pays.

Lorsque, selon le droit interne d’un autre État, la personne est également considérée comme résident fiscal de cet autre État, il est nécessaire de se référer à la convention fiscale internationale. Si celle-ce est établie selon le modèle OCDE, 5 critères successifs sont à considérer :

  • cette personne est considérée comme résident de l’État où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent ;
  • si elle dispose d’un foyer d’habitation permanent dans les deux États, elle est considérée comme résident de l’État avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ;
  • si l’État où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d’un foyer d’habitation permanent dans aucun des États, elle est considérée comme résident de l’État où elle séjourne de façon habituelle ;
  • si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d’eux, elle est considérée comme résident de l’État dont elle possède la nationalité ;
  • si cette personne possède la nationalité des deux États ou si elle ne possède la nationalité d’aucun d’eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d’un commun accord.

Personnes morales

En droit local irlandais, la détermination de la résidence fiscale d’une société est appréhendée à la fois en tenant compte de son lieu d’immatriculation (notion juridique) et du lieu d’exercice de son activité (notion économique).

Selon les conventions internationales bâties sur le modèle OCDE, le siège de direction effective est retenu comme seul et unique critère permettant de déterminer la résidence fiscale d’une société. Cette notion se définit comme le lieu où les décisions stratégiques sont prises, tant d’un point de vue commercial qu’au niveau de la direction générale de la structure.

Conventions de double imposition

En matière de fiscalité, un Etat dispose du pouvoir de taxer un contribuable

  • soit parce qu’il tire des revenus dans de ce pays – Source des revenus

  • soit parce qu’il y réside – Résidence du contribuable

Il existe des situations où, quel que soit l’origine des revenus, le fait d’être résident fiscal dans un pays emporte taxation sur les revenus mondiaux. Mais parallèlement à cela, la législation du pays dans lequel les revenus sont générés peut également prévoir qu’ils y soient imposés, engendrant ainsi une double taxation. C’est précisément dans ces hypothèses que les conventions fiscales internationales, visant à éliminer les phénomènes de double imposition, trouvent tout leur intérêt.

L’Irlande a conclu des conventions fiscales internationales avec les pays suivants :

Albanie, Arménie, Australie, Autriche, Bahreïn, Biélorussie, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Botswana, Bulgarie, Canada, Chili, Croatie, Chine, Chypre, République Tchèque, Danemark, Égypte, Estonie, Éthiopie, Finlande, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Hong Kong, Hongrie, Islande, Inde, Israël, Italie, Japon, Corée du Sud, Koweït, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malaisie, Malte, Mexique, Moldavie, Monténégro, Maroc, Pays-Bas, Nouvelle Zélande, Norvège, Pakistan, Panama, Pologne, Portugal, Qatar, Roumanie, Russie, Arabie du Sud, Serbie, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Afrique du Sud, Espagne, Suède, Suisse, Thaïlande, Turquie, Émirats Arabes Unis, Ukraine, Royaume-Unis, Etats-Unis, Ouzbékistan, Vietnam, Zambie.

Lorsqu’une situation de double taxation apparaît, celle-ci est généralement neutralisée de 2 manières (conformément au modèle de convention proposé par l’OCDE) :

  • attribution d’un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt déjà acquitté ;

  • exonération d’impôt au titre des revenus déjà taxés.

Notion de paradis fiscal et positionnement de l’Irlande

Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économique – OCDE – une juridiction est qualifiée de paradis fiscal dès lors qu’elle remplit 4 critères cumulatifs essentiels :

absence d’imposition ou niveau d’imposition très faible ;

– manque de transparence ;

– inexistence d’échange d’information entre les administrations fiscales de chaque pays ;

– défaut d’activité substantielle dans le pays concerné.

Au regard de ces différents critères, l’Irlande ne peut pas être considérée comme étant un paradis fiscal. Si les entreprises multinationales, qui y sont implantées, bénéficient d’une imposition des bénéfices très inférieure à ce que la majorité des pays européens pratiquent, les gouvernements successifs ont toujours cherché à assurer une certaine transparence au niveau de la politique fiscale, et ce notamment au regard des différents principes et plans d’actions définis par le projet BEPS – Base erosion and profit shifting.

Dans ce sens, et pour ne citer qu’un exemple, l’Irlande fait partie des premiers pays européens à avoir introduit en droit local la déclaration CBCR – Country by Country Reporting.

Mais si le pays ne répond pas à la définition d’un paradis fiscal, selon les critères posés par l’OCDE, il n’empêche qu’une concurrence fiscale, considérée par beaucoup d’Etats européens comme étant déloyale, est exercée. Les débats tendant à rétablir une justice et une équité fiscale au niveau européen font débat. Compte tenu des règles de fonctionnement de l’Union européenne, qui assurent une souveraineté fiscale propre à chaque Etat membre, cette situation risque de perdurer durant de nombreuses années.

Retenue à la source sur les distributions de bénéfices

Lorsqu’une société irlandaise procède à une distribution de bénéfices, sous la forme d’un dividende, celui-ci fait l’objet d’une imposition entre les mains du bénéficiaire, personne physique.

Afin de préserver les intérêts de l’Administration fiscale irlandaise (Revenue Commissioners), un dispositif de retenue à la source a été instauré. Ainsi, l’établissement payeur procède à un prélèvement sur le dividende distribuable, qu’il reverse au fisc. Cette déduction est ensuite imputée sur les impôts dus par le bénéficiaire.

Illustration :

Dividende brut : 10.000 euros

Salaire : 20.000 euros

Retenue à la source (prélevée par la société et reversée à l’Administration fiscale) : 10.000 x 20% = 2.000 euros

Calcul de l’impôt dû par le bénéficiaire :

  • Dividende taxable / Cédule F :                     10.000
  • Salaires et traitements / Cédule E              20.000
  • Montant imposable                                         30.000
  • Taux applicable                                                    20%
  • Impôt correspondant                                       6.000
  • – Prélèvement à la source                             (2.000)
  • Impôt exigible                                                     4.000

Pour tenir compte des situations où les dividendes versés ne sont pas taxables entre les mains des bénéficiaires, la loi fiscale irlandaise prévoit un certain nombre d’exemptions à l’obligation de pratiquer le prélèvement à la source.

Par exemple, lorsque le bénéficiaire des dividendes est une société, résidente fiscale en Irlande ou dans un pays de l’Union européenne, l’établissement payeur n’est pas tenu de pratiquer la retenue à la source.

Le sort des déficits

Une société, qui réalise un déficit au titre d’une activité commerciale, va pouvoir l’utiliser de différentes manières.

1. Si la société exerce plusieurs activités commerciales (imposées à 12,5%), le déficit constaté au titre d’une activité pourra venir en déduction du bénéfice enregistré au titre d’une autre activité.

Exemple :

La société exerce une activité agricole qui génère un bénéfice taxable de 10.000 €, ainsi que l’exploitation d’un restaurant qui enregistre, au titre du même exercice, un déficit fiscal de 6.000 €.

Le bénéfice taxable à 12,5% sera déterminé de la manière suivante :

       Activité agricole                                                         10.000

       Restaurant                                                                  (6.000)

       Montant imposable                                                      4.000

       Taux                                                                                 12,5 %

       Impôt correspondant                                                500

2. Lorsque la société exerce une seule activité, il lui est possible de déduire le déficit constaté au titre de l’exercice N, sur le bénéfice imposable à 12,5% enregistré au titre de l’exercice précédent.

Exemple :

La société a subi un déficit fiscal de 20.000 € pour l’exercice en cours, et avait réalisé un profit imposable de 30.000 € au titre de l’exercice précédent.

Il lui est possible d’imputer le déficit N sur le bénéfice N-1, et ainsi de réclamer un remboursement du trop-payé d’impôt à raison de : (30.000 – 20.000 ) x 12,5% = 1.250 €

Dans ce cas, puisque l’impôt relatif à l’exercice précédent a déjà été acquitté, il convient de déposer une déclaration rectificative, ce qui engendre un remboursement du trop-payé.

3. Si la société dégage un déficit fiscal sur l’activité commerciale, mais génère un profit taxable au titre d’une activité de nature patrimoniale (sujette au taux d’impôt majoré), il est possible d’utiliser le déficit, en déduction de l’impôt total exigible.

Exemple :

La société exerce une activité de fabrication, qui génère sur l’exercice N, un déficit fiscal de 10.000 €, et donne également un bien immobilier en location (activité taxable à 25%), ce qui dégage un bénéfice de 30.000 €.

       Bénéfice foncier taxable                                                                30.000

       Taux majoré                                                                                          25 %

       Impôt correspondant                                                                      7.500

       Utilisation déficit d’exploitation : 10.000 X 12,5%                (1,250)

       Impôt net exigible                                                                             6.250

4. Il est également possible de compenser le déficit d’une activité commerciale enregistré sur l’exercice N, avec le bénéfice tiré d’une activité patrimoniale (taxée à 25%) de l’exercice précédent.

Afin de bénéficier du remboursement d’impôt, une déclaration rectificative sera également nécessaire dans ce cas de figure, l’impôt N-1 ayant déjà été payé.

5. Enfin, le déficit peut également être reporté en avant, sans limitation de durée, et venir en déduction des bénéfices taxables ultérieurs.

Il est important de souligner néanmoins, que les bénéfices d’imputation doivent être de même nature que le déficit reporté. Si la société change d’activité, les déficits antérieurs seront perdus.

Pour un rappel des taux d’impôt sur les sociétés : Les taux d’impôt sur les sociétés

Crédit d’impôt recherche

Comme de nombreux pays, l’Irlande a instauré un système d’incitation fiscale, dont l’objectif est d’attirer les entreprises innovantes sur son territoire. Le dispositif du crédit d’impôt recherche permet de réduire l’impôt sur les sociétés dues par l’entreprise, voire de bénéficier d’un remboursement lorsque le crédit excède l’impôt dû.

1. Dépenses éligibles

Afin de bénéficier du crédit d’impôt recherche, la société doit réaliser des activités de recherche et développement, qui respectent certains critères, et notamment :

  • présenter un caractère systémique, d’investigation ou d’expérimentation ;

  • être de nature scientifique ou technologique ;

  • correspondre à de la recherche de base, appliquée ou fondamentale ;

  • permettre une avancée scientifique ou technologique ;

  • impliquer la résolution d’incertitudes scientifiques ou verrous technologiques.

Pour être éligible au crédit d’impôt recherche, la dépense doit être déductible du résultat fiscal (brevet, salaires du personnel scientifique, matériels utilisés pour la recherche, …). L’amortissement fiscal des bâtiments, dédiés aux activités de recherche, peut également être compris dans la calcul du crédit d’impôt.

La loi exclut spécifiquement certaines dépenses :

  • Certaines redevances et droits d’auteurs payés à une société appartenant au même groupe ;

  • Intérêts d’emprunts ;

  • Les dépenses qui font l’objet d’un crédit d’impôt recherche dans un autre Etat ;

  • Les dépenses couvertes par une subvention.

2. Détermination du crédit d’impôt

Le crédit d’impôt recherche est égal à 25% des dépenses éligibles. Son calcul se fait annuellement.

3. Utilisation du crédit d’impôt

L’entreprise dispose de différentes options pour utiliser son crédit d’impôt :

  • l’imputer sur l’impôt dû au titre de l’exercice ;

  • l’imputer sur l’impôt dû au titre d’un exercice précédent ;

  • en demander le remboursement ;

  • reporter l’excédant sur les exercices ultérieurs.

Intérêts payés par une société

Lorsqu’une société verse des intérêts sur emprunt, ces intérêts peuvent, sous certaines conditions, venir en déduction du bénéfice taxable à l’impôt sur les sociétés. Il convient cependant de distinguer 2 situations.

1. Emprunts bancaires

Le traitement fiscal diffère selon l’utilisation des fonds.

  • Si le prêt est destiné à financer l’activité courante (découvert bancaire, financement du besoin en fonds de roulement, achat d’équipements et de matériels, etc.), les intérêts viendront en déduction du bénéfice taxable à 12,5%.

  • En revanche, les intérêts d’un prêt souscrit pour l’acquisition, la réparation ou l’amélioration d’un bien immobilier que la société donne en location, seront déductibles des revenus fonciers, taxés à 25%.

Pour un rappel des taux d’impôt sur les sociétés, se reporter Les taux d’impôt sur les sociétés

2. Emprunts intra-groupe

Dans le cadre d’un groupe de sociétés, la déductibilité des intérêts versés par une filiale à la holding, est encadrée par des règles strictes tendant à éviter des montages fiscaux qui permettraient de transférer des bénéfices entre sociétés, sans que les transactions ne soient justifiées d’un point de vue économique.

En revanche, contrairement aux pratiques rencontrées dans d’autres pays, les règles irlandaises relatives aux prix de transfert ne s’appliquent pas aux intérêts payés entre sociétés d’un même groupe. En effet, la fiscalité des prix de transfert concerne uniquement les relations de nature commerciales, et pas les transactions financières. Ainsi, des intérêts basés sur un taux inférieur au prix du marché, voire l’application d’un taux nul, sont parfaitement admissibles fiscalement.